- GINI (INDICE DE)
- GINI (INDICE DE)Dès que l’on s’interroge sur le point de savoir si les inégalités (de revenu, de niveau scolaire, et autres) sont plus ou moins grandes dans telle société que dans telle autre, ou si elles ont tendance à croître ou à diminuer dans une société donnée, on doit recourir à un indice d’inégalité. Les mesures statistiques classiques de dispersion sont parfois utilisées comme indices d’inégalité. Mais elles soulèvent des difficultés, et l’on préfère généralement l’indice de Gini. La définition de cet indice suppose la définition préalable d’une autre notion, celle de «courbe de Lorenz».Supposons qu’on veuille mesurer les inégalités scolaires dans une société, afin de déterminer si elles ont augmenté ou diminué d’une année à une autre ou si elles sont plus grandes dans une société que dans une autre, et que l’on décide d’assimiler le niveau scolaire d’un individu au nombre d’années de scolarité dont il a bénéficié. Pour cela, on commencera par déterminer le nombre d’années scolaires y i caractérisant chacun des individus constituant la population à laquelle on s’intéresse (i = 1 à N). Ensuite, on déterminera les effectifs n j correspondant à chaque classe de niveau scolaire. Ainsi, si la j -ième classe comprend les personnes ayant eu une scolarité de 6 ans et la J + 1-ième classe les personnes ayant eu une scolarité de 7 ans, la valeur de n j et de n J+1 correspond au nombre des personnes ayant eu respectivement une scolarité de 6 ans et de 7 ans. Pour visualiser l’information ainsi obtenue, on peut utiliser un diagramme cartésien où on représentera en abscisse par des points équiespacés les valeurs x J de la variable «nombre d’années de scolarité» et en ordonnée les valeurs de la variable n J (fig. 1).Une première façon de mesurer le degré de l’inégalité caractérisant cette distribution consisterait à utiliser une mesure classique de dispersion: plus la distribution représentée par le diagramme ci-dessus est étalée ou «dispersée», plus l’inégalité est marquée. Réciproquement, si l’égalité était parfaite et si tout le monde avait le même nombre d’années de scolarité, le diagramme ci-dessus se réduirait à un «bâton» unique et la dispersion serait nulle. Une mesure de dispersion classique est, par exemple, l’«écart absolu moyen»: il est défini comme la moyenne des écarts à la moyenne en valeur absolue. Ainsi, supposons qu’en moyenne la population considérée ait 8,5 années de scolarité, un individu ayant 10 années de scolarité aura un écart à la moyenne en valeur absolue de 1,5 et il en ira de même pour un individu ayant 7 années d’éducation. La moyenne de ces écarts (en valeur absolue) à la moyenne est une mesure de dispersion et peut être considérée comme un indice d’inégalité. Une telle mesure ne peut cependant être utilisée sans précautions (pas plus d’ailleurs que les autres mesures de dispersion, comme l’écart type). Supposons en effet que, dans une première population, la durée moyenne de la scolarité soit de 12 ans et qu’elle soit de 5 ans dans une seconde population: une moyenne des écarts à la moyenne en valeur absolue de 2 ans traduirait assurément une inégalité beaucoup plus grande dans le second cas que dans le premier.Les mêmes remarques pourraient être faites s’il s’agissait de mesurer, entre autres, des inégalités de revenu: supposons que l’on compare deux distributions des revenus correspondant à deux sociétés. Dans les deux cas, on observe par exemple que la moyenne des écarts (en valeur absolue) à la moyenne est de 10 000 francs par an. Mais la première société est riche et a un revenu moyen de 100 000 francs, tandis que le revenu moyen de la seconde est de 30 000 francs: il est clair que la seconde société est plus inégalitaire, bien qu’elle ait le même «écart absolu moyen» que la première.Pour contourner ces difficultés, et pour éviter les solutions ad hoc , comme celle qui consiste à rapporter l’écart absolu moyen à la moyenne, on utilise classiquement, pour mesurer les inégalités, le coefficient dit «de Gini». Pour le déterminer, on construit d’abord une courbe dite «de Lorenz».Revenons au premier exemple, étant entendu qu’on pourrait aussi bien prendre l’exemple des inégalités de revenus. Pour construire la courbe de Lorenz correspondante, on commence par établir le nombre total (M) d’années de scolarité effectuées par l’ensemble des individus de la population considérée. Ayant ensuite ordonné les individus en fonction de la durée de leur scolarité, on considérera par exemple les 5 p. 100 de la population les moins scolarisés, on déterminera le nombre d’années de scolarité qu’ils ont tous effectuées, et on rapportera ce nombre à M: on obtiendra ainsi le pourcentage qui revient aux 5 p. 100 les moins scolarisés du stock total d’années de scolarité détenu par la population dans son ensemble. Ainsi, on observera peut-être que les 5 p. 100 les moins scolarisés disposent de 1 p. 100 du stock total d’années de scolarité. Les étapes suivantes consisteront à renouveler la même opération pour les 10 p. 100, les 15 p. 100, les 20 p. 100... les moins scolarisés. Ainsi, on observera peut-être que les 10 p. 100 les moins scolarisés détiennent 2 p. 100 du stock total d’années d’éducation, les 15 p. 100 les moins scolarisés 4 p. 100, les 20 p. 100 les moins scolarisés 7 p. 100... En continuant ainsi, on déterminera par exemple que les 90 p. 100 et les 95 p. 100 les moins scolarisés détiennent 80 p. 100 et 87 p. 100 du stock total.On peut alors représenter ces données dans un diagramme cartésien indiquant le pourcentage y du stock total d’années de scolarité détenu par les x p. 100 les moins scolarisés. Un premier point d’abscisse 5 et d’ordonnée 1 indiquera que les 5 p. 100 les moins scolarisés disposent de 1 p. 100 du stock total d’années de scolarité, un second point d’abscisse 10 et d’ordonnée 2 indiquera que les 10 p. 100 les moins scolarisés détiennent 2 p. 100 de ce stock total. En continuant ainsi, on obtient un ensemble de points qui, lorsqu’on les relie les uns aux autres, déterminent la «courbe de Lorenz» représentative de la distribution (fig. 2).Cette courbe se caractérise par les traits suivants: d’abord ses deux points extrêmes sont les points (0, 0) et (100, 100), puisque 0 p. 100 de la population détient 0 p. 100 du stock et que l’ensemble de la population dispose de la totalité du stock. En second lieu, elle est nécessairement convexe vers le bas. Cela résulte de ce que la pente du segment qui correspond par exemple aux points d’abscisse 50 et 60 ne peut être inférieure à celle du segment correspondant aux points 40 et 50, puisque, par définition, on considère des classes successives disposant chacune d’une part croissante du stock total d’années de scolarité. Enfin et surtout, la courbure de la courbe de Lorenz peut être interprétée comme un indice d’inégalité. En effet, dans une situation hypothétique d’égalité absolue, la courbe prendrait la forme d’un segment de droite (diagonale D de la figure 2) tendu entre les points (0, 0) et (100, 100). De même, dans une situation d’inégalité extrême où la quasi-totalité du stock serait détenue par une infime minorité de la population, la courbe de Lorenz tendrait à longer l’axe des x avant de remonter brutalement vers le point (100, 100).L’indice de Gini, quant à lui, est obtenu en déterminant la surface S comprise entre la courbe de Lorenz et la diagonale D et en rapportant cette surface à la semi-surface du carré dans lequel s’inscrit cette courbe. Cette surface S peut être très souvent déterminée avec une précision suffisante de manière graphique. L’indice de Gini est de valeur 0 lorsque la courbe de Lorenz coïncide avec D (égalité absolue), il tend vers 1 lorsque l’inégalité est maximale. De façon générale, il peut être interprété comme ayant une valeur d’autant plus grande que l’inégalité est plus grande et par conséquent comme constituant une bonne mesure d’inégalité.Dans l’exemple utilisé ici, on a considéré des intervalles de 5 points. On aurait pu aussi bien considérer des intervalles plus étroits (de 1 point de pourcentage par exemple). Ce faisant, on obtiendrait une courbe de Lorenz plus «lisse». Mais il est clair que ce «lissage» n’affectera souvent en pratique que faiblement la valeur de l’indice de Gini.
Encyclopédie Universelle. 2012.